mardi 24 février 2009

- Maintenant j’appelle Mlle Violet, l’infirmière, elle vous donnera les médicaments de la journée et vous montrera votre chambre.
Le Dr Dupuis sonna, Mlle Violet entra presque aussitôt, femme sans âge elle ne souriait pas, elle me fit entrer dans l’infirmerie et me donna mes médicaments. Je la regardai et demandai :
– Comment voulez-vous que je porte ces médicaments avec mes cannes anglaises ?
– Il faudra bien vous débrouiller, ici chacun doit se prendre en charge, vous n’êtes pas dans un hôpital. La rage m’envahit mais je me contrôlai. Je posai les médicaments sur sa table et fit un pas pour lui montrer que je la suivais dans ma chambre, elle prit les médicaments et me montra la chambre
– Vous êtes deux, nous n’avons plus de chambre particulière dit-elle en posant le paquet de médicaments – La sonnette annonce les repas et le haut-parleur les visites, courrier, et si vous devez voir le médecin ou une autre personne.
Elle sortit me laissant seule, pas longtemps une jeune fille arriva la main en bandoulière, elle se présenta – Je m’appelle Françoise et toi ? Je vois que tu as un pied touché, moi c’est le bras et elle rit – L’infirmière t’a traumatisée ? – Un peu répondis-je, elle est toujours aussi froide ? – On s’y fait répondit Françoise, si tu as besoin d’aide ne te gène pas je t’aiderai comme je peux. Je suis là depuis un mois fit-elle – On t’a enlevé le plâtre alors – Oui, j’espère ne pas trop traîner, j’ai mon petit ami qui commence à s’impatienter et elle rit !
Une sonnette retentit et ma compagne me dit – C’est l’heure du repas, je vais te montrer la salle à manger. Je la suivis en sautillant complètement épuisée entre la route et l’arrivée.
La salle à manger était vaste, que des femmes, elles avaient toutes 20 à 40 ans environ. Ma compagne se dirigea vers une table de 4 et me présenta aux deux autres filles – Nouvelle arrivée, elle s’appelle Armelle et voici Marie notre petite brunette, ainsi que Lara l’intellectuelle du service. Je dis bonjour aux deux filles, Marie était effectivement petite et très brune, elle avait un beau sourire et des yeux rieurs, elle me plût de suite. Lara était plus réservée, elle avait le type même de l’intellectuelle, je me demandais ce qu’elle faisait dans la vie, je fus vite fixée – Françoise m’appelle « l’intellectuelle » car je tiens un journal de bord, sinon je ne suis que professeur de physique. Elle esquissa un demi-sourire.
Je lui tendis la main – Enchantée, je suis moi-même professeur de musique – Super s’exclama Marie, il y a un piano dans le salon tu pourras y jouer, personne n’en joue à part une surveillante de temps en temps – Merci dis-je.
J’appris que Marie était bibliothécaire dans la vie, elle s’était fracassé le crâne en tombant d’une échelle mais allait beaucoup mieux.
Je fis la connaissance d’autres pensionnaires, des surveillantes également, elles étaient une dizaine et venaient à tour de rôle, je n’en vis que deux, assez sympathiques mais distantes. Trop de travail sûrement.
Nous sommes restées sur une chaise longue dans le jardin en papotant. Le jardin était un parc ombragé, il y avait une tonnelle au milieu, coin privilégié car les premières arrivées y allaient et il n’y avait que 5 places environ.
Après le repos sur la terrasse il fallait prendre sa température dans la chambre, faire une sieste d’une heure, ensuite c’était l’heure du dîner. Après nous avions une demi-heure pour papoter puis nous pouvions lire dans la chambre jusqu’à 21 h et la surveillante ou la sonnette nous indiquait qu’il fallait éteindre. Il arrivait qu’on vienne vérifier si on avait éteint. Je pensais à la caserne, d’après ce que me racontais mon mari. C’est que nous étions déjà en 1974 !
Le soir je fus heureuse de retrouver mon lit et m’endormit aussitôt.
Je rêvai de mon mari, des pensionnaires, il me sembla entendre une sonnette mais je n’arrivai pas à me réveiller.
Puis un sommeil de plomb m’emporta dans les bras de Morphée.

En me réveillant, je demandai à Françoise
– Tu as entendu la sonnette cette nuit ?
– Non, pourquoi ils auraient sonné, la nuit personne ne sonne sauf en cas d’incendie mais je n’en ai pas encore vu dit-elle en souriant.
La porte s’ouvrit et l’infirmière nous tendit nos médicaments. Françoise pris les miens, les mit sur mon lit puis prit les siens en remerciant l’infirmière, en sortant Mlle Viollet dit – N’oubliez pas de prendre votre douche – Comment faire pour mon pied – Vous le mettez dans le sac poubelle je vous le laisse, elle me mit un sac poubelle en plastic épais et sortit. Je repensai à la sonnette, j’étais certaine d’avoir entendu sonner cette nuit.
J’arrivai jusqu’à la douche péniblement, ma tension n’était que de 5 – 10 et j’étais bien affaiblie. J’ouvris la cabine et me déshabillai en m’asseyant sur un banc en bois, j’ouvris le robinet et à ce moment je faillis hurler. A la place de l’eau, coulait un liquide rouge qui ressemblait à du sang. Je sortis blanche comme un linge et appelait la première surveillante que je vis, elle m’écouta puis entra dans la douche. Elle fit couler le robinet et obtint de l’eau tiède – Vous pouvez régler la température de l’eau ici me dit-elle comme-ci rien ne s’était passé. Je la vis ressortir, j’étais abasourdie. Je me raisonnai et recommençai à ouvrir doucement le robinet, l’eau coula normalement et je pus me doucher.
Je n’osai pas en parler à Françoise, sûrement la fatigue me faisait voir n’importe quoi.
Nous descendîmes pour le petit déjeuner où je retrouvai Marie et Lara, je leur demandai – L’une de vous as-t-elle entendu une sonnette cette nuit ?
Non la nuit on dort répondit Marie en riant – Les douches fonctionnent toujours bien essayai-je ? – Nous n’avons pas encore eu de problèmes mais elles peuvent se boucher, pourquoi me demanda Lara ? Pour rien, je crois que je ne suis pas encore réveillée, je me forçais à sourire.
J’examinai la salle à manger, il y avait des tables pour 4, et une longue table pour les surveillantes et le reste du personnel. Tous mangeaient là à part le docteur qui était servi dans son cabinet. Nous étions bien une soixantaine de pensionnaires, une atmosphère calme et sereine y régnait, je devais me tromper, nous remontons dans la chambre.
Une surveillante vient me chercher pour voir la Directrice, je la suis intriguée – Vous avez oublié de remplir correctement le formulaire fit la Directrice dès mon entrée – Je n’ai pas compris l’utilité de certaines questions rétorquai-je – Madame je pense que c’est à nous de juger si la question est utile ou pas, si vous ne le remplissez pas correctement nous vous renverrons et vous ne serez pas remboursée pour vos soins, vous devez déjà mille francs, le prix d’une nuit. L’argument fut de poids et je n’hésitai plus pour remplir le formulaire.

Aucun commentaire: